Les débuts


Tu viens à peine d’arriver dans le bar et tu l’as tout de suite aperçu avec ses amis. Il t’a vu aussi, mais aucun des deux n’ose ouvrir la danse. C’est trop tôt, trop rapide dans la soirée. Et c’est finalement, après quelques heures, après plusieurs regards, qu’un sourire est lancé et que la conversation peut débouler.

Tu as passé le reste de la soirée à lui regarder la bouche lorsqu’il te parlait. Tu n’as pas compris la moitié de ce qu’il te disait parce que tout ce que tu pouvais t’imaginer, c’était ses lèvres sur les tiennes.

Il a passé une main dans ton dos quand il s’est levé pour retourner parler à ses amis. Cette main dans ton dos a été suffisante pour te faire frissonner de la tête aux pieds. Tu as rougi. Toi ça, toi qui es si forte, si fière, tu as rougi après cette simple main dans ton dos.

La soirée continue, tu ne sais pas trop si l’alcool est en train de t’aider ou de te nuire, mais tout ce que tu sais, c’est que son odeur a un effet sur toi, encore plus fort que toutes les drogues que tu as pu essayer dans ta vie.

Tu ne veux pas aller trop vite; chaque fois que tu vas trop vite, il n’y a jamais de suite. Tu as envie de sentir une anticipation, tu as envie d’y rêver, d’y fantasmer avant de passer à l’acte. Un peu comme voir un cadeau sous le sapin pendant des semaines, avant Noël. Ce moment où l’imagination fait son œuvre. Ce moment où tout est permis dans ta tête. On ne se donne plus assez le droit à cette anticipation-là, d’ailleurs.

La soirée se termine, il vient te reconduire jusqu’à ta voiture. Ton cœur bat tellement vite. Tu le veux ce baiser-là, tu le désires depuis le premier « Bonsoir » qu’il eut le courage de te lancer. Vous vous échangez des phrases vides de sens pour combler le silence et le malaise. Tout ce que tu souhaites, c’est d’avoir cette main qui prend ton cou afin d’approcher ton visage du sien. Et c’est là, c’est maintenant. Alors que tu lui dis que tu as passé une belle soirée, tu le vois, l’anticipation commence déjà. Tu vois sa main se tendre vers ton cou, tu vois son visage se rapprocher de toi.

Et s’il n’embrassait pas comme toi, et si ça ne « fittait » pas? Une tonne d’émotions en si peu de secondes. Et il dépose ses lèvres sur les tiennes. Une danse, une chorégraphie parfaite entre vos deux bouches, entre vos langues. Tout est parfait! Il place une main dans le bas de ton dos et rapproche ta taille vers lui. Il n’a pas envie de te laisser partir et tu n’as pas envie de partir non plus. Mais tu dois te souvenir de l’anticipation que tu voulais. Souviens-toi! Tu le repousses alors doucement, tu lui souhaites une belle fin de soirée en lui disant que tu aimerais le revoir. Et c’est réciproque.

Quand t’étais jeune, un simple baiser comme celui-là voulait automatiquement dire que tu étais en couple. Aujourd’hui, la signification n’est plus du tout la même. Un simple baiser à la sortie d’un bar ne veut plus dire grand-chose, surtout si la soirée se termine là.  Alors le lendemain, les questions commencent dès l’aube. Est-ce qu’il va appeler? Est-ce qu’il va te relancer pour une 2e soirée? Est-ce qu’il essayait seulement de t’emmener dans son lit? Et, contre toute attente, il le fait, il t’appelle. Tu le sais que tu aurais pu toi-même le relancer, mais avec ton expérience, un homme intéressé ne se laisse pas attendre très longtemps.

L’échange de messages commence, le début d’on ne sait pas trop quoi encore. Des débuts qui n’en sont pas vraiment. Parce qu’aujourd’hui, on ne sait plus où tout commence. On sait seulement lorsque tout se termine.

La mode des derniers temps est au « ghosting ». Ce qui veut dire que si l’une des deux personnes n’est plus intéressée, elle ne fait que s’évaporer, sans dire un mot, sans explication. Tu t’es fait « ghosté » une couple de fois, et tu l’as probablement fait aussi. Alors tu vis une anxiété que tu n’avais pas avant lorsque tu rencontrais quelqu’un. Tu te demandes toujours si tu vas avoir des nouvelles ou s’il s’est évaporé. Tu ne sais plus sur quel pied danser. Tu ne veux pas avoir l’air de la personne trop intense, mais tu ne veux pas avoir l’air désintéressée non plus. C’est rendu compliqué, tellement compliqué pour rien.

C’était si simple avant, et quand tu penses à « avant » c’est quand tu étais adolescente. Quand un baiser signifiait la plupart du temps, qu’un début de quelque chose venait de naître. Et lorsque c’était terminé, on se le disait, simplement.

Les débuts d’aujourd’hui sont souvent brouillés de doutes. Les papillons, les frissons sont conservés à l’intérieur. On n’ose pas les sortir de peur de ne pas avoir eu raison de les vivre. Toi, tu veux les vivre, tu veux te dire que tu vis un début de quelque chose. Un début d’une histoire qui durera peut-être seulement quelques semaines, quelques mois, mais au moins que tu vivras à fond. Tu ne veux plus avoir peur du lendemain. Tu veux revivre les débuts d’autrefois.

Et avec lui, cette fois, c’est différent. Il est toujours là, il ne part pas. Il a peut-être envie de revivre les débuts d’autrefois, lui aussi…

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